« Nous intervenons sur tous les axes possibles contre les discriminations de genre. »
Rencontre avec Charlotte Jacquemot, chercheuse en sciences cognitives et directrice du département d’Études cognitives de l’ENS-PSL, référente ENS Égalité femmes-hommes depuis juillet 2022, autour de l’engagement de l’ENS-PSL en matière d’égalité.
Sur quelles bases s’enracine l’engagement en matière d’égalité à l’ENS-PSL ?
Charlotte Jacquemot : Une politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles était déjà en place à l’ENS-PSL mais son plan d’action a été renforcé en mars 2022, après la restitution des résultats d’une enquête menée fin 2021 au sein des établissements de PSL. Ces résultats ont aussi donné lieu à des mesures immédiates pour faciliter les signalements, mieux accompagner les personnes victimes et témoins, instruire plus rapidement les cas de violences, prévenir celles-ci et développer un « climat sécurisant » pour étudiant·es et encadrant·es. Mot d’ordre de l’École : tolérance zéro.
Comment se déclinent ces engagements sur le terrain ?
Charlotte Jacquemot : Les dispositifs d’écoute et de signalement existants ont été renforcés. Une charte de bonnes pratiques concernant aussi bien les relations entre étudiant·es, les relations entre membres du personnel (chercheur·ses, enseignant·es-chercheur·ses et personnel administratif), et les relations entre encadrant·es et étudiant·es a été élaborée. Ce travail a été fait avec l’apport de tous les départements de l’École afin d’identifier des règles communes qui permettent de co-construire un climat sécurisant pour toutes et tous.
La formation préventive, des étudiant·es et des membres du personnel, est un autre axe sur lequel l’École s’est engagée. Cette année, nous avons mis en place des sessions obligatoires de formation contre les violences sexistes et sexuelles pour tous les membres de l’École, et d’autres, facultatives, par exemple sur les violences LGBTphobes ou la transidentité.
Nous menons également des actions de sensibilisation sur les biais genrés auprès des jurys des concours de recrutement des professeur·es et maître·sses de conférences. Nous intervenons aussi auprès des collégien·nes de 3e et de lycéen·nes qui viennent passer une semaine à l’École dans le cadre de leur stage de découverte du monde professionnel.
En sus de ces démarches préventives, quelles sont les actions résolument incitatives ?
Charlotte Jacquemot : L’École s’est mobilisée pour la Journée internationale des femmes et des filles de science, avec des conférences grand public, des ateliers pour faire connaître la vie de grandes chercheuses oubliées des manuels scolaires, la production de matériel ressource pour les enseignant·es du secondaire. Depuis septembre 2022, l’ENS a rejoint le dispositif de mentorat pour les doctorantes, créé en 2021 par PSL. Autres réalisations : l’utilisation de l’écriture égalitaire pour les conventions de stage et le changement de prénom facilité pour les personnes transgenres. Bref, nous agissons à tous les niveaux possibles. Le tout, grâce à une impulsion forte de la part de la direction de l’ENS-PSL et avec un fort soutien de PSL.
Quelles pistes de progression appelez-vous de vos vœux ?
Charlotte Jacquemot : Je serais partisane de conditionner l’obtention de l’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) au suivi d’une formation contre les violences sexistes et sexuelles. Une condition à étendre aux personnes qui siègent aux commissions disciplinaires qui traitent de cas de violences sexistes et sexuelles. Former aux biais genrés et aux stéréotypes, produire des statistiques genrées, augmenter la visibilité des femmes font partie des pistes pour réduire les discriminations. Faire évoluer les mentalités et les pratiques prend du temps mais pour répondre aux défis du 21ème siècle, un monde inclusif est une nécessité pour laquelle on doit toutes et tous se mobiliser.